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Reconnaissance et abandon du nouveau né : un châtiment préventif ?

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Boston 13.200, Museum of Fine Arts, Boston, USA.

Le mythe d’Œdipe est un des mythes les plus connus de la culture occidentale. L’histoire du héros commence par son abandon en pleine nature, livré à une mort certaine. Romulus et Remus connaissent exactement le même sort. Cette exposition fonctionne dans le cadre mythique comme une ordalie ; elle est fondatrice de la destinée héroïque. Mais elle fait également écho à des pratiques domestiques fréquentes aussi bien dans le monde grec que dans le monde romain.

Le père de famille est le seul à décider de l’intégration du nouveau-né dans la cellule familiale. A Athènes, cette intégration se fait le septième jour après la naissance lors de la cérémonie des Amphidromies. A Sparte, les pères doivent présenter leurs nouveaux-nés au conseil des Anciens de leur tribu. Ce conseil a droit de vie et de mort sur l’enfant. D’après Plutarque, ceux qui ne sont pas doués pour la santé et la force sont jetés dans le précipice du mont Taygète. A Rome, comme à Athènes, l’intégration au foyer familiale est la prérogative du père de famille. Les cas d’exposition devaient être relativement fréquents notamment pour les filles, non seulement pour des raisons économiques (la dot) mais également pour des raisons sexistes.

Il est tout à fait possible de lire ces rituels d’expositions comme des châtiments préventifs. L’enfant exposé, c’est celui dont on ne souhaite pas modeler le corps et le caractère pour en faire un membre de la famille et de la communauté. C’est donc celui qui représente un possible danger pour la famille : danger économique pour les filles, problème d’honneur et de légitimé pour les enfants adultérins, …. C’est un châtiment sur un possible avenir ; les mythes sont très explicites sur ce point. Si Œdipe survit, il tuera son père. Si Romulus et Rémus survivent, ils risquent de renverser leur oncle. Il ne s’agit donc pas, d’une punition suite à une faute mais bien d’une punition en prévision d’une possible faute. On peut sans doute relire le mythe de Zeus et de Chronos dans le même sens ; Zeus est le seul enfant à ne pas être avalé par son père ; c’est-à-dire intégré à son autorité. De cet enfant, non connu ou reconnu du père vient le danger. Les sociétés antiques mêlent dédain et crainte à l’égard du monde extérieur et de ce qui ne fait partie de leur communauté et de leur espace culturel. Celui qui n’en fait pas partie est celui par qui le danger peut arriver

L’exposition est censée être un châtiment définitif. Il l’est pour la famille car l’enfant ne l’intégrera pas mais il ne l’est pas complètement pour l’enfant car il est adoptable dès ce moment. L’enfant, dans le cadre mythique, est souvent abandonné dans un coffre ou dans un objet qui lui est associé. Pour le héros, c’est un acte de reconnaissance de son statut, une mort temporaire qui fait de lui un être exceptionnel; Persée par exemple. Ce processus se retrouve également dans le mythe du déluge de Deucalion et Pyrrha, où le couple de héros échappe à la catastrophe, sur les conseils de Zeus, dans un coffre avant de donner naissance à la nouvelle humanité.


  • Brulé, Pierre. “Infanticide et Abandon D’enfants. Pratiques Grecques et Comparaisons Anthropologiques.” Dialogues D’histoire Ancienne 18, no. 2 (1992): 53–90. doi:10.3406/dha.1992.2016.
  • Corbier, Mireille. “Lois, Normes, Pratiques Individuelles et Collectives : La Petite Enfance à Rome.” Annales. Histoire, Sciences Sociales 54, no. 6 (1999): 1257–1290. doi:10.3406/ahess.1999.279815.

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